Dans une économie du savoir et de l'innovation, comme celle dans laquelle nous vivons aujourd'hui, la valeur centrale des organisations est dans l'expertise des personnes qui les composent et dans leur force collaborative pour atteindre les objectifs communs. La capacité à mobiliser les compétences requises, à les faire travailler ensemble et à continuellement les ressourcer constitue dans ce contexte un avantage concurrentiel indéniable.

Trois leviers stratégiques doivent être exploités par l’entreprise pour réussir à entretenir et faire croître son capital compétence et ainsi accroître sa performance et sa compétitivité.

tableau Pour gérer stratégiquement votre capital compétence Patrick Rivard Complice Mai


1. Pour une culture apprenante d’innovation… Acquérir et intégrer de nouveaux savoirs

De nombreux auteurs ont démontré la relation étroite existant entre la notion d'organisation apprenante et la culture d'innovation d'une entreprise. C'est en étant ouvertes sur l'externe d'abord, et en encourageant la confrontation des idées et des points de vue, que les entreprises réussissent à créer une culture créative et innovante. L'organisation qui souhaite susciter l'innovation doit donc pouvoir s'abreuver à l'externe. De fait, plusieurs études prouvent que les organisations innovantes sont connectées de multiples façons avec l'externe, que ce soit avec des organisations d'enseignement, des centres de recherche, leurs clients, leurs fournisseurs, des spécialistes et des consultants, d'autres organisations semblables, etc.

En fait, on met de plus en plus de l'avant la notion d'innovation ouverte, où l'objectif est de rendre plus poreuses les frontières de l'organisation pour faciliter la collaboration avec l'externe et ainsi accélérer le rythme d'innovation et la rapidité de commercialisation. Chaque contact avec l'externe devient une occasion de se comparer, de se remettre en question et de s'inspirer pour ainsi perfectionner continuellement les pratiques actuelles et introduire des approches toujours plus performantes.

Pour alimenter continuellement son capital compétence de nouvelles connaissances et expertise, la direction doit se poser deux questions importantes…

  • Quelles sont les connaissances qui nous manquent pour mieux relever les défis actuels?
  • Où ces connaissances se trouvent-elles et comment pouvons-nous nous y abreuver?


Une fois cette expertise ciblée, un plan d’action devrait permettre d’identifier des moyens concrets pour l’intégrer. Voici quelques exemples.

  • Tenter d’attirer des ressources ayant une expérience riche et des perspectives différentes.
  • Envoyer certains employés à la « chasse aux idées » dans des congrès et des colloques.
  • Embaucher des stagiaires ou des jeunes gradués et les impliquer dans des projets de veille ou de développement; ceux-ci sont souvent très bien connectés sur ce qui se fait de nouveau.
  • Se rapprocher de ses clients et de ses fournisseurs pour partager certains de ses défis ; peut-être peuvent-ils nous aider sur l’un d'entre eux.
  • Contacter des entreprises reconnues non concurrentes pour permettre de comparer leurs façons de faire, ou même leur demander directement comment elles s'y prennent pour relever des défis spécifiques rencontrés.
  • Faire appel à des consultants externes spécialisés pour s'inspirer des meilleures pratiques actuelles, tout en s'assurant du transfert de cette expertise à ses propres ressources.
  • Maintenir des liens avec des centres de recherche pour être à l'affût des nouvelles connaissances/pratiques dans un champ d'expertise (lire sur leurs découvertes et échanger avec eux directement).
  • Soumettre des problèmes opérationnels rencontrés à des centres de transfert technologique.

2. Une culture de leadership ouverte et partagée, un must pour accélérer le partage des connaissances

Il va de soi que l’agilité organisationnelle aujourd’hui ne peut passer par des cultures de gestion où toutes les décisions doivent être prises par la direction. Les entreprises agiles démocratisent l’information, encouragent le développement des compétences et responsabilisent les équipes dans la résolution des défis rencontrés. La culture de leadership mise de l’avant est donc centrale pour que les employés ne perçoivent pas l’information comme une source de pouvoir à conserver, mais plutôt comme une ressource qui s’enrichit lorsqu’elle est partagée.

Pour déterminer si la culture de leadership nourrit le partage de connaissances, deux questions centrales s’imposent…

  • Quelles sont nos valeurs de gestion et contribuent-elles à créer un climat de partage de connaissances?
  • Comment pouvons-nous nous assurer que celles-ci soient véhiculées et vécues au sein de notre organisation?

Plusieurs moyens existent pour contribuer à mettre en place une culture ouverte et accélérer le partage d’expertise; en voici quelques-uns.

  • Améliorer l’accès au contenu et aux activités de formation pour tous les employés.
  • Développer une culture axée sur le partage des connaissances par la mise en place de mécanismes tels que les bilans de projet, le codéveloppement et les communautés de pratique.
  • Encourager les employés à relever de nouveaux défis en leur assignant des mandats ou des projets requérant d’étendre leur champ de compétences.
  • Créer des lieux de sécurité où l’employé peut faire un bilan de ses compétences et recevoir du feed-back spécifique et constructif pour identifier ses zones de perfectionnement.
  • Encourager et reconnaître la documentation et le partage de l’expertise par le biais de plateformes collaboratives (wikis et réseaux sociaux d’entreprise).

3. Pour préserver les savoirs critiques, une bonne planification est requise

Les départs à la retraite, les réorganisations et le roulement de personnel mettent souvent à risque le capital compétence de l’entreprise. Malheureusement, il arrive souvent que l’on prenne conscience trop tard de la valeur critique de savoirs tacites spécialisés et d’expertise de pointe qui ont été perdus dans ces changements.

Pour prévenir la perte de savoirs critiques, deux questions viennent à l’esprit…

  • Quelles sont les connaissances critiques qui sont à la base de notre succès?
  • Comment pouvons-nous nous assurer que celles-ci soient toujours disponibles et maîtrisées par ceux qui en ont besoin?

Le transfert des savoirs plus spécialisés et de l’expertise de pointe ne peut être laissé seulement à la générosité, au professionnalisme ou à la volonté de partager des employés en poste. Alors que cette approche est naturelle et peu coûteuse, elle a trop de limites : difficulté à transférer des connaissances que « je ne sais plus que je sais », dépendance sur l’oral, transfert autant des bonnes pratiques que des mauvaises habitudes, etc.

Ce dernier levier pour développer le capital compétence requiert donc la mise en place de moyens rigoureux et structurés.

1. Repérer les processus d’affaires stratégiques et cibler les savoirs critiques à risque.
2. Recenser la documentation existante, évaluer si elle est à jour et prioriser les savoirs à préserver.
3. Identifier les stratégies de transfert les plus appropriées.
4. Élaborer un plan de transfert avec un échéancier et des responsabilités.
5. Au besoin, effectuer un exercice de captation des connaissances.
6. Faire le suivi et évaluer les résultats.

L’entretien et le développement du capital compétence sont autant une responsabilité stratégique de la direction de l’entreprise que celle de tous les gestionnaires au niveau de leur équipe respective. Comme un jardinier qui entretient rigoureusement son jardin, les trois leviers doivent être utilisés par les gestionnaires pour développer continuellement le capital compétence de leur équipe. Chacun doit s’assurer de l’entrée de nouvelles semences, favoriser la pollinisation, élaguer ce qui est moins important et assurer la conservation des bonnes espèces.

C’est de cette façon que l’organisation apprenante sera nourrie et que le capital compétence contribuera toujours plus à la compétitivité et à la performance de l’organisation.