Le transfert d’expertise est, aujourd’hui, un impératif.

Les raisons qui expliquent cette affirmation sont multiples : le besoin d’assurer la pérennité des organisations, de rester compétitifs sur le marché et de se démarquer par des compétences pointues, de trouver une alternative aux difficultés de recrutement, d’encadrer le développement des compétences pour accompagner les nouveaux employés comme les plus séniors ou encore de veiller à enrichir/entretenir la mémoire organisationnelle.

Autant de raisons qui nous poussent à confirmer la nécessité de se lancer dans une démarche stratégique visant à tirer profit du savoir-faire et de l’expérience des individus, soit de passer d’une approche réactive à une planification stratégique en matière de transfert d’expertise.

Revenons sur ce que nous appelons communément le transfert d’expertise : c’est identifier, prioriser et transmettre des connaissances jugées stratégiques pour l’organisation dans une perspective de maintien de l’expertise.

Prenons un exemple fictif simple pour illustrer le processus de transfert d’expertise.

José est un technicien spécialisé en assainissement des eaux. Ce professionnel est le seul au sein de l’entreprise capable d’identifier et de résoudre les problèmes affectant le bon fonctionnement d’un équipement spécialisé. Il a informé son supérieur hiérarchique de son départ prochain à la retraite.

Cet employé détient un savoir précieux qui doit être préservé. Bien que plusieurs de ses connaissances soient documentées, donc connues, dans l’entreprise pour permettre le développement des compétences, certaines sont invisibles, inconnues, parfois détenues de manière inconsciente et difficilement « capturables ». On parle ici de connaissances tacites contrairement aux premières nommées explicites. Il convient de réfléchir aux modalités de captation des connaissances de José. L’observation par les pairs et la conception de capsules vidéo accompagnées d’instructions techniques détaillées sont autant de moyens possibles à déployer pour recueillir son expertise.

Une fois ses connaissances capturées, José devra les transmettre au successeur désigné par l’entreprise, à travers un programme de mentorat structuré et échelonné dans le temps. L’expert devient mentor, l’employé, apprenant. Une fois les stratégies de développement de compétences mises en œuvre et les objectifs d’apprentissage atteints, l’entreprise devra ensuite réfléchir aux moyens à développer pour faciliter le transfert des apprentissages dans l’environnement professionnel.

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Terminons cet article par la présentation des quatre étapes fondamentales d’une démarche de transfert d’expertise.

Chaque étape contribue à assurer une transition fluide et efficace des connaissances clés au sein d’une organisation ou d’une équipe.

Étape 1 – Prise de conscience et sensibilisation : cette première phase implique une prise de conscience des enjeux inhérents à la perte potentielle d’expertises. Il s’agit de sensibiliser les parties prenantes de la nécessité et des avantages de commencer le processus de transfert d’expertise. À cela s’ajoute toute la communication sur les conditions de succès et sur les modalités de mise en œuvre. Derrière cette initiative repose l’ambition de traiter des défis stratégiques de gestion des connaissances et du développement d’une culture de développement des compétences et d’apprentissage.

En comprenant pleinement les conséquences d’une telle perte et des engagements requis, les acteurs impliqués sont mieux préparés à entreprendre les actions nécessaires.

Étape 2 – Analyse et planification : une fois la prise de conscience établie, il est essentiel d’entreprendre une analyse approfondie et une planification structurée. Cela implique d’identifier les expertises critiques à transférer en priorité et de déterminer les méthodes et les moyens les plus adaptés pour le faire. Cette étape inclut également l’annonce et la préparation de la démarche auprès des parties concernées, ainsi que la définition des objectifs spécifiques du transfert.

Étape 3 – Réalisation : la troisième étape marque le passage à l’action. Il s’agit de concrétiser le transfert d’expertise en capturant les connaissances pertinentes selon les méthodes préalablement définies. Cela peut inclure des entretiens, de la documentation de processus, de la formation ou encore des programmes de jumelage entre experts et apprentis. Cette phase est cruciale pour assurer la transmission effective des savoirs.

Étape 4 – Bilan : enfin, une fois le transfert d’expertise réalisé, il est indispensable de procéder à une évaluation approfondie de la démarche. Cela comprend la vérification de la réussite du transfert, l’atteinte des objectifs fixés et l’évaluation du niveau de compétence de la relève. De plus, cette étape offre l’occasion de reconnaître et de valoriser la contribution des experts impliqués, ainsi que de toutes les parties prenantes ayant participé au processus.

En somme, considérer et entreprendre une démarche de transfert d’expertise, c’est penser à entretenir la mémoire organisationnelle ainsi qu’organiser le maintien et le développement des connaissances stratégiques afin de veiller à la pérennité de l’entreprise et de favoriser le développement d’une organisation plus apprenante.

 

Principales références 

BLACKBURN, L. (2013). « Le transfert des connaissances ». Association québécoise d’établissements de santé et de services sociaux, 6 éd., 40-50. Montréal, Québec

BOUACHIR, W (2013). « Introduction à la gestion des connaissances dans les organisations », Technologies sémantiques pour la gestion des connaissances, TELUQ. https://inf6070.teluq.ca/teluqDownload.phpfile=2013/07/INF6070_M1_a2_GestionConnaissancesOrganisation.pdf

Comité sectoriel de main-d’œuvre en aérospatiale CAMAQ (2013) « Guide sur le transfert des connaissances ». Commission des partenaires du marché du travail. Gouvernement du Québec. https://camaq.org/wp-content/uploads/2020/11/01-Guide-sur-le-transfert-des-connaissances_MAJ-2020-11-05.pdf

Gouvernement du Nouveau-Brunswick (2009) « Guide sur le transfert des connaissances à l’intention des gestionnaires ». Révisé le 21 décembre 2010. https://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/ohr-brh/pdf/cdt/guide_transfert_connaissances.pdf

LEONARD, D., W. SWAP, G. BARTON (2015). « Critical Knowledge Transfer », Harvard Business Review Press: Boston, Massachusetts

RAYMOND, L., R. PARENT, L. DESMARAIS et L. LECLERC (2011). « Coffre à outils sur le transfert de connaissances, une approche proactive ». Laboratoire de recherche sur la dynamique du transfert de connaissances, Université de Sherbrooke. http://hdl.handle.net/11143/19126