Force est de constater que l’entrepreneuriat est un sujet qui demeure très actuel au Québec. Bien qu’il en soit ainsi, la réalité nous indique que c’est encore une minorité de Québécois qui choisissent de se lancer en affaire. Que ce soit dans une démarche de lancement d’entreprise ou d’achat d’une entreprise existante, les chiffres démontrent que les intentions quant à ces projets sont encore plus faibles au Québec qu’au Canada.
En fait, cette situation, à la défaveur du Québec, risque de se perpétuer puisque les deux indicateurs permettant de se projeter dans l’avenir (intention de se lancer en affaire et démarche réelle) montrent que 1,5 fois moins de Québécois (8,0 %) que de gens dans le reste du Canada (11,8 %) sont animés par l’intention «d’entreprendre » au cours de leur vie. Encore une fois, cet écart défavorable pour le Québec trouve sa source tout autant chez les jeunes de 18 à 34 ans que chez les gens de 35 ans et plus (tous deux 1,5 fois moins nombreux au Québec à vouloir entreprendre un jour), mais aussi, et de façon similaire, chez les hommes et les femmes.
Les chiffres démontrent que le présent entrepreneurial québécois (propriétaires), en 2012, demeure moins vigoureux que celui du reste du Canada. En effet, le Québec enregistre 1,7 fois moins de propriétaires d’entreprise parmi sa population adulte (10,2 %) que le reste du Canada (17,5 %).
À quoi est attribuable ce déficit d’entrepreneurs au Québec et la situation changera- t-elle?
Depuis 2012, les intentions d’entreprendre ont plus que doublé chez la population du Québec. En termes de démarches, on compte en 2014, 1,5 fois plus d’adultes qui ont posé, au cours de la dernière année, des actions pour créer ou reprendre une entreprise qu’en 2012. Cette évolution est principalement due à la population des 18-34 ans. En termes de présent (propriétaires actuels), pas de changement significatif depuis 2012, tout comme en termes de fermetures d’entreprises.
Tous ces chiffres représentent un défi pour les chefs ayant une entreprise et qui désirent planifier leur retraite. En fait, la majorité des entrepreneurs n’ont pas la joie de pouvoir léguer leur entreprise à leurs enfants. Or, l’entrepreneur se doit de planifier sa relève quelques années avant de pouvoir prendre sa retraite. Malheureusement, les entrepreneurs s’y prennent souvent trop tard quant à la planification de leur relève et se retrouvent devant une impasse.
Au Québec, la majorité des PME sont familiales. Or, plusieurs sources évaluent qu’un nombre important d’entre elles verront leurs propriétaires et leurs gestionnaires prendre leur retraite d’ici 10 ans. Toutefois, une toute petite minorité seulement prépare la relève. Les autres s’imaginent qu’il sera facile de trouver un leader au moment où cela deviendra nécessaire. C’est une grave erreur. Pour une série de raisons, le nombre de candidats prêts à relever le défi sera faible lorsqu’arrivera le moment de faire la transition.
La plupart des entrepreneurs passent la majorité de leur vie à développer leur entreprise et quelques heures seulement pour préparer leur propre relève. C’est comme si cette étape n’était pas importante ou qu’ils avaient bien du temps devant eux pour s’en occuper puisque cela ne se concrétisera que dans quelques années. Plusieurs chefs d’entreprise croient, à tort, que le transfert de l’entreprise, au point de vue de la propriété, peut s’effectuer en moins de deux ans. Mais ceux qui ont réalisé le processus savent que celui-ci s’échelonne sur plusieurs années.
Malheureusement, la plupart des dirigeants ignorent que le temps joue contre eux. Le processus de relève nécessite du temps, sans compter qu’une étape de deuil et de détachement inévitable sera vécue par les entrepreneurs qui planifient vendre leur entreprise. Tout ce qu’ils ont construit devra passer aux mains d’un autre.
La grande question à se poser est de savoir si quelqu’un à l’interne pourrait devenir le chef aspirant. Sinon, il faudra planifier la transaction de vente à des acquéreurs externes. Prenons le scénario où la relève est à l’interne. Il s’agira donc en premier lieu d’identifier le ou les relevants (s) pour faire un plan de transition. Une erreur courante en développement de la relève réside dans le fait qu’aucun diagnostic n’est effectué avant d’identifier les compétences à développer. On part aussi de la situation actuelle pour déterminer ses priorités de développement, sans se projeter dans le futur.
Une bonne démarche de planification et développement de la relève devrait partir d’un diagnostic préliminaire et d’une vision de l’entreprise dans le futur. De plus, puisque la relève entrepreneuriale consiste au transfert des droits et à la délégation ultime des responsabilités du chef, il est essentiel de planifier cette démarche et d’éviter l’approche intuitive.
À la suite du diagnostic de l’entreprise, l’entrepreneur devrait impliquer les membres de son comité de direction pour identifier les relevants potentiels ainsi que les hauts potentiels. Les hauts potentiels (Hipo) sont les employés qui ne sont pas nécessairement dans les postes clés actuellement, mais qui représentent le bassin d’avenir et qui ont surtout un très bon rendement, des aptitudes plus élevées que la moyenne et qui se démarquent du reste des employés.
Il est souhaitable de responsabiliser chacun des gestionnaires dans le processus de relève. Que ce soit pour le poste de président ou les autres postes stratégiques, tous les gestionnaires peuvent avoir des idées pertinentes pour l’avenir de l’entreprise. En somme, la démarche de planification de la relève comprend l’identification des compétences critiques qu’il ne faut pas perdre et qui constituent la mémoire organisationnelle. Dans un second temps, il s’agit de cibler les personnes qui ont les caractéristiques et les attributs pour assumer les responsabilités stratégiques. Ensuite, il faudra prévoir du temps de qualité pour discuter de visions respectives, d’avenir et de valeurs puisque la réussite de la relève repose sur le transfert délicat des connaissances du chef sortant vers le chef aspirant.
Finalement, il est aussi important de prévoir un « règne conjoint » durant lequel les deux chefs assumeront les responsabilités de gestion de l’entreprise ensemble. Ainsi, graduellement, il s’agira de laisser plus de place au relevant qui prendra éventuellement les rênes de l’entreprise. Nous savons d’ores et déjà que le chef sortant doit rester proche du chef aspirant, appelé successeur.
Quelques grands rappels pour réussir la relève entrepreneuriale :
➡ Commencer à penser à cette démarche au moins cinq ans à l’avance ;
➡ Évaluer tous les scénarios possibles : vendre à l’externe ou vendre à des employés ;
➡ Se faire accompagner pour réaliser les étapes de planification de la relève ;
➡ Donner du temps au chef sortant avec son ou ses relevants pour transmettre la culture ;
➡ Communiquer et rassurer.
Qu’il s’agisse de passer le flambeau à un membre de la famille, à un employé ou encore à un acheteur provenant de l’externe, l’entrepreneur qui désire assister à la continuité des affaires de son entreprise, doit faire bénéficier son successeur de ses connaissances et de tout ce qui a permis l’évolution et la croissance de son entreprise. Il s’agit de mettre à la disposition du successeur tout ce qui représente la mémoire de l’entreprise. Cette dernière est constituée des apprentissages ayant eu lieu tout au long de l’aventure, mais aussi des embûches et des solutions ainsi que des ressources et des stratégies gagnantes. Le règne conjoint est une excellente opportunité pour l’entrepreneur de transmettre à sa relève le plus d’informations possible sur les éléments déterminants de l’histoire de son entreprise. Le temps passé ensemble jouera en la faveur des deux chefs en permettant à l’un de faire le bilan des connaissances à transmettre et à l’autre de poser les questions pertinentes à la prise de décision future. La vie d’une entreprise regorge d’expériences vécues qui, lorsqu’elles sont documentées, sont une source d’informations indéniables qui facilitent le transfert d’entreprise et assurent la continuité des opérations. L’accompagnement dans le processus de transfert d’entreprise peut se révéler d’un grand soutien pour l’entrepreneur qui risque de se sentir dépassé par la quantité d’éléments, d’informations et de connaissances à transmettre. L’approche structurée qu’offre l’accompagnement assure une meilleure transition : graduelle et évolutive.
Références :
(1) Fondation de l’entrepreneuriat, en collaboration avec la Caisse de dépôt et placement du Québec. Plan E : Cap vers un Québec plus entrepreneurial, mai 2012
(2) MEIE, Le transfert d’entreprise en contexte de PME.