Des personnes qui réinventent la roue face à une problématique, parce qu’elles ignorent qu’un de leurs collègues a déjà rencontré une situation similaire, vous connaissez? Un employé qui s’inscrit à une formation à l’extérieur de l’organisation, alors qu’un collègue possède cette expertise et aurait été en mesure de le coacher, ça aussi ça vous dit quelque chose? Et qu’en est-il des entreprises où les structures sont si complexes qu’il devient difficile pour les employés de savoir à qui se référer pour poser une question ou discuter d’un problème? Si ces situations ne vous sont pas étrangères, c’est certainement que l’intelligence collective pourrait être davantage mise à profit au sein de votre organisation.

Mais pourquoi est-ce important de devenir plus intelligent collectivement, maintenant?

À l’ère de l’économie du savoir et de la connaissance, alors que les environnements de travail sont de plus en plus volatils, incertains, complexes et ambigus (VICA), ce dont les entreprises ont véritablement besoin, c’est bel et bien de la « tête d’œuvre » et non plus de la « main-d’œuvre »… Autrement dit, l’intelligence des employés est plus que jamais nécessaire pour arriver à atteindre les objectifs d’affaires des entreprises. Et puisque cette tendance à la complexité n’est pas près de s’inverser, il devient de plus en plus clair que les entreprises qui tireront le mieux leur épingle du jeu seront celles qui réussiront non seulement à tirer profit de l’intelligence de chacun des employés, mais également à créer le mouvement de mise en commun de celles-ci, afin de multiplier les bonnes idées, de partager et créer de nouvelles connaissances. Or cela représente un réel défi, voire un avantage compétitif, puisque le contexte actuel et le rythme dans lequel évoluent les entreprises d’aujourd’hui font en sorte qu’il est plus difficile d’essayer de centraliser ou de gérer toutes les informations pertinentes à la collaboration.

À l’heure actuelle, quelques entreprises bien connues se démarquent par la façon dont elles relèvent ce défi. Que l’on pense à celles dont la mission est directement orientée vers la collaboration, telles que YouTube ou Wikipédia, à d’autres exemples tels que le « Climate CoLab », un projet du MIT qui mise sur l’intelligence collective d’individus à travers le monde pour résoudre la problématique des changements climatiques à l’échelle mondiale, ou encore à l’« Innocentive », qui utilise l’intelligence collective pour résoudre diverses problématiques d’affaires des entreprises qui y font appel, il existe de nombreux exemples desquels s’inspirer (MIT Sloan Executive Education, 2016).

N’est-ce pas le sage Aristote qui disait que « le tout est plus grand que la somme de ses parties »? Ceux qui l’ont compris savent donc que l’intelligence collective est la clé pour le travail de demain, qu’elle génère une plus grande proactivité de tout un chacun, plus d’efficacité sur le plan organisationnel et davantage d’innovation (Jacob et Poitras, 2015). Ultimement, en raison d’un fort sentiment de valorisation et de contribution, l’intelligence collective amène aussi une plus grande fidélisation et rétention des employés. En effet, il semble que les employés aient le goût de mettre à contribution leurs talents et que leur potentiel soit exploité hors du cadre exclusif de leur poste. Miser sur l’intelligence collective représente donc une des voies pour y arriver.

Les obstacles à l’émergence de l’intelligence collective

Les avantages de l’intelligence collective semblent évidents. Pourtant, actuellement, plusieurs obstacles se retrouvent encore sur son chemin, à commencer par la position des gestionnaires. Depuis tant d’années, le rôle des gestionnaires a été de planifier, organiser, diriger et contrôler les activités et le travail de leur équipe. Ces diverses pratiques de gestion peuvent, sans l’être intentionnellement, être des freins à l’intelligence collective. Les enjeux de confiance au sein des équipes peuvent aussi freiner les ardeurs au partage d’informations stratégiques, tout comme les problèmes de communication interpersonnels, qui peuvent se dresser comme des obstacles à la mise en commun des connaissances. De plus, l’esprit de compétition et les comportements plus individualistes, de territorialité par rapport à certains projets, de rétention d’information, voire d’objectifs cachés, ainsi que les enjeux de pouvoir représentent d’autres obstacles importants (Luc, 2016; Dechamp et Delaunay, 2016).

Stratégies pour développer l’intelligence collective

Pour valoriser l’intelligence collective, le gestionnaire doit arriver à laisser de la place pour que les gens déploient leurs ailes. Il doit se questionner : « Comment arriver à donner le goût aux gens de s’investir, de faire « le petit plus » qui optimiserait le fonctionnement et les résultats de l’équipe? » En fait, il faut donc que les gestionnaires acceptent de définir les résultats, de les partager avec les membres de l’équipe et ensuite d’élaborer avec eux le plan de match. En fait, il faut arriver à prendre le temps pour que tous les cerveaux soient mis à contribution pour le bien de l’organisation, ses employés et ses clients.

Pour cela, le gestionnaire peut s’inspirer des pratiques de leadership partagé, de façon horizontale au sein des membres de l’équipe, où l’on cultive les forces de chacun et tire parti de la diversité de l’équipe. Ces pratiques supposent une décentralisation du pouvoir et des responsabilités, un partage d’information fluide et multidirectionnel au sein de l’équipe, et par le fait même, un certain aplatissement des structures organisationnelles. Poussée à l’extrême, elles ont donné naissance à deux tendances en gestion, l’holacratie et l’entreprise libérée, ainsi qu’à de toutes nouvelles formes d’entreprises, telles que Zappos, pour ne nommer qu’une des plus célèbres (Luc, 2016; MIT Sloan Executive Education, 2016).

Pour développer l’intelligence collective au sein de nos organisations, il convient également d’adopter des philosophies de gestion axées sur l’agilité, puisque celles-ci semblent être des terreaux fertiles pour faire fleurir la responsabilisation, la proactivité et la créativité des employés, la confiance des gestionnaires envers les compétences et capacités des membres de leur équipe, ainsi que la capacité de l’organisation entière à innover, à suivre le marché et à saisir les opportunités en temps opportun.

Enfin, il va sans dire que l’intelligence collective ne peut prendre racine au sein de nos organisations si elle n’est accompagnée de pratiques de collaboration. À titre d’exemple, l’utilisation de plateformes technologiques pour le partage de connaissances entre les membres de l’organisation ainsi que les communautés de pratique représentent des façons par lesquelles les organisations parviennent à mettre en commun les intelligences individuelles pour générer des solutions innovantes aux problématiques qu’elles rencontrent.

Bien d’autres stratégies pourraient s’ajouter à cette liste… Au sein de vos organisations, quelles sont les meilleures pratiques pour favoriser l’intelligence collective?

Références

DECHAMP, G., et G.DELAUNAY. « Favoriser et gérer l’interdisciplinarité dans l’entreprise : la notion de territoires partagés », Management & Avenir 2016/6 (N° 88), p. 37-58. DOI 10.3917/mav.088.0037.

JACOB, R., et J. POITRAS. « Travailler en mode collaboratif : pour aller plus loin », Gestion 2015/3 (Vol. 40), p. 52-59. DOI 10.3917/riges.403.0052.

LUC, E. « Le leadership partagé : du mythe des grands leaders à l’intelligence collective », Gestion 2016/3 (Vol. 41), p. 32-39. DOI 10.3917/riges.413.0032.

MIT SLOAN EXECUTIVE EDUCATION, 2016. « Will collective intelligence change the way we work ». Blog. https://executive.mit.edu/blog/will-collective-intelligence-change-the-way-we-work#.XDTvqFxKg2x