Comprendre d’où ils viennent pour favoriser leur fidélisation...
Devant les questionnements de bien des dirigeants voulant comprendre la nouvelle génération de travailleurs, Alia Conseil, en collaboration avec la firme de recherche Léger, a sondé les jeunes travailleurs québécois sur leur engagement et leur façon de voir le marché du travail. En tout, plus de 1 000 travailleurs âgés de 18 à 34 ans ont répondu au sondage qui s’est déroulé à l’été 2016. Cette enquête a permis de mettre en lumière quelques pistes de réflexion quant aux stratégies organisationnelles qui permettraient la fidélisation de cette nouvelle génération de travailleurs.
Mais d’abord, expliquons le contexte dans lequel les milléniaux (générations Y et Z) ont grandi afin de mieux comprendre les travailleurs qu’ils sont aujourd’hui.
Les parents des milléniaux : la génération X
« Dis-moi d’où tu viens et je te dirai qui tu es… » Prenons donc au mot cet adage et définissons d’où viennent les milléniaux. Leurs parents sont nés dans les années 60 et 70, faisant donc leur entrée sur le marché du travail dans les années 80. C’était l’époque du fluo, des toupets crêpés, de Boy George… et de la crise économique. Ainsi, les parents des milléniaux sont entrés sur le marché du travail en pleine instabilité financière, alors que l’inflation, le chômage et les taux hypothécaires atteignaient des sommets au Canada et aux États-Unis. Ils devaient jouer durement du coude pour s’assurer une place sur le marché de l’emploi. Selon le sociologue Fernand Dumont, « la jeunesse des années 1980 [était] en attente. La génération du baby-boom s'[était] cadenassée dans ses privilèges dont les jeunes [étaient] souvent exclus. »
C’est aussi dans les années 80 que l’avènement des femmes sur le marché du travail n’est plus l’exception, mais devient la norme, le taux de femmes actives au Canada passant d’un peu moins de 60 % en 1980 à plus de 75 % en 1990 selon Statistique Canada. La table est donc mise pour un changement en profondeur du système familial : la femme devient pourvoyeuse au sein de la famille, au même titre que l’homme, devenant inévitablement moins présente physiquement au sein de la cellule familiale. Le taux de divorce grimpe en flèche, passant de 32 % en 1980 à 50 % en 1990 selon l’Institut de la statistique du Québec. Du même coup, le pourcentage de familles reconstituées fait un bond en avant.
Les milléniaux…
Selon la théorie des générations, une génération se construit en réaction à la génération précédente. De plus, elle s’épanouit en fonction de la situation économique et sociale dans laquelle elle grandit. Une fois ces concepts mis en lumière, il est plus facile de comprendre les milléniaux, leurs demandes et leurs besoins.
Valeur no 1 : la famille
Les milléniaux, et plus précisément les Y, ont été les premiers à subir les contrecoups des changements dans la cellule familiale (divorce, famille monoparentale ou reconstituée) dus, entre autres, à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail. Les milléniaux ne veulent pas répéter ce schème dessiné par leurs parents. Ils veulent réussir leur vie de famille, voir grandir leurs enfants et en profiter. Il n’est donc pas étonnant qu’ils soient friands de vacances et de journées de congé, de semaines de travail de quatre jours, etc. S’ils ont le choix, souvent ils privilégieront plus de vacances à une augmentation salariale.
Des travailleurs autonomes
Les milléniaux ne veulent plus dépendre d’un employeur pour assurer leur bien-être. Certains parleront d’individualisme, d’autres de survie… Les travailleurs de la génération X ont dû se battre pour s’assurer un emploi. En réaction, les milléniaux veulent créer leur propre emploi afin de ne dépendre de personne. En effet, selon le sondage Alia Conseil-Léger, 7 % des milléniaux sont travailleurs autonomes et 36 % ont l’intention de le devenir, une augmentation de 10 % par rapport aux 35-54 ans.
Infidèles?
Toujours selon le sondage, 88 % des milléniaux se considèrent comme fidèles à leur employeur, mais 47 % envisagent de changer d’emploi d’ici 5 ans. Comment expliquer ce paradoxe?
D’abord, les milléniaux ont un grand besoin de s’épanouir au travail. En effet, il s’agit du second critère en importance de l’employeur idéal selon le sondage. De plus, 84 % d’entre eux considèrent que le travail est une source d’épanouissement. Puisque les employeurs ne peuvent plus offrir la retraite, les vacances et les avantages sociaux qu’ils offraient aux générations précédentes, il ne reste aux milléniaux que l’amour du travail et le bonheur qu’ils en retirent pour les fidéliser (Duez, 2015). Force est d’admettre que les employeurs doivent cultiver plus que jamais un engagement de cœur pour fidéliser leurs employés.
Ensuite, les milléniaux sont actuellement dans une tranche d’âge où de grands et multiples changements bouleversent leur vie. Leurs besoins évoluent très rapidement. Ainsi, ils n’hésiteront pas à changer d’emploi si le leur ne convient plus à leurs besoins puisqu’ils n’ont rien à perdre (pension, avantages sociaux, etc.) et tout à gagner.
Enfin, ayant grandi avec Internet et l’accès rapide à l’information, les milléniaux sont impatients. À cet effet, le changement d’emploi peut également être un moyen d’atteindre plus rapidement le poste et les conditions convoités. Contrairement à leurs parents, ils n’acceptent pas d’être exclus des avantages et des privilèges dont bénéficient les plus anciens dans l’entreprise. D’ailleurs, le sondage fait ressortir que les milléniaux pensent que la rémunération devrait être axée sur la contribution plutôt que sur l’ancienneté.
En conclusion
La théorie de l’évolution de Darwin dit que ce sont ceux qui s’adaptent qui survivent. Les employeurs doivent donc s’adapter aux attentes de la nouvelle génération de travailleurs afin d’attirer les meilleurs talents au sein de leur entreprise. Les milléniaux possèdent plusieurs qualités convoitées par les employeurs : adaptabilité, rapidité de compréhension, autonomie, débrouillardise, productivité, etc.
Ce que les milléniaux veulent…
Selon le sondage, les milléniaux veulent…
1. De bonnes conditions salariales et des avantages sociaux
Eux aussi ont le rêve secret de prendre une retraite un jour… Ils veulent avoir accès aux mêmes privilèges que les boomers, avec lesquels ils partagent quelques valeurs : l’estime, l’intérêt et la jouissance (Boudreau, 2006). D’ailleurs, dans la littérature, la génération Y est aussi appelée les écho boomers (petits-enfants de baby boomers).
2. Conciliation vie personnelle et professionnelle
Les milléniaux souhaitent que leurs conditions d’emploi leur permettent une conciliation facilitante entre le travail et la famille. Ils pensent entre autres aux horaires flexibles, aux journées de congé mobiles plutôt qu’aux congés de maladie.
3. Climat et ambiance de travail
Les milléniaux sont très connectés. Ils sont de l’ère de la téléréalité et des réseaux sociaux, parlent ouvertement de leur vie, de leur salaire, de leurs conditions de travail et donnent leur opinion aisément. En effet, selon le sondage, 81 % des 18-24 ans et 66 % des 25-34 ans font, ne serait-ce qu’à l’occasion, des confidences très personnelles à leurs collègues de travail. Grâce aux réseaux sociaux, aux courriels et aux téléphones intelligents, les collègues se côtoient même en dehors du travail. Ces différentes plateformes contribuent donc à l’engagement de coeur et à l’établissement d’une ambiance de travail agréable, cette dernière condition étant très recherchée auprès des milléniaux. Pourquoi ne pas créer un groupe de discussion fermé, sur Facebook, LinkedIn ou toute autre plateforme consacrée aux employés ou encore intégrer un réseau de communication interne en ligne via l’intranet de l’entreprise?
Mais attention… grâce à ces technologies, une mauvaise nouvelle ou un mécontentement peut se répandre comme une traînée de poudre au vent, s’étendre à l’équipe et même à l’extérieur des frontières de l’entreprise, ce qui pourrait faire fuir de potentiels talents. Il est donc important de sensibiliser les employés aux dangers des médias sociaux, par exemple par la mise en place d’une politique sur l’utilisation de ces derniers. Il est aussi possible d’intégrer des articles sur l’utilisation des médias sociaux au code d’éthique de l’entreprise ou d’offrir une formation de sensibilisation sur leur utilisation à l’ensemble des employés.
De façon générale, les milléniaux privilégient la reconnaissance au travail. En effet, 89 % des personnes sondées veulent que leur contribution au succès de l’organisation soit reconnue.
4. Sécurité d’emploi
Ils veulent pouvoir vivre différentes expériences avec un minimum de sécurité. Les employeurs auront ainsi avantage à leur proposer des engagements à plus long terme avec des tâches et des expériences variées ou encore à les impliquer dans des projets spéciaux. Les milléniaux recherchent donc des aventures bien plus qu’un simple emploi.
Un employé prenant sa retraite a dit un jour : « Les jeunes ne sont pas si différents de nous, ils veulent la même chose qu’on voulait sauf que nous, dans le temps, on ne le demandait pas… » (Hervé Sérieyx)
Références
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DEJOUX, C. (2011). « Diversité générationnelle : implications, principes et outils de management », Management et avenir, repéré le 21 décembre 2016 à : http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-3-page-227.html
DUEZ, E. (2015). Conférence à la Positive Economy Forum au Havre, repéré le 7 novembre 2016 à : https://www.youtube.com/watch?v=gkdvEg1kwnY
INSTITUT DE STATISTIQUE QUÉBEC (2011). Nombre de divorces et indice synthétique de divorce, repéré le 18 décembre 2016 à : http://www.stat.gouv.qc.ca/docs-hmi/statistiques/population-demographie/mariages-divorces/6p4.htm
STATISTIQUE CANADA (2016). L’avènement des femmes dans le milieu du travail, repéré le 18 décembre 2016 à : http://www.statcan.gc.ca/pub/11-630-x/11-630-x2015009-fra.htm
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