L’âge moyen de la retraite augmente depuis quelques décennies. Depuis 1996, ce chiffre a grimpé de 3,8 années au Québec et de 3,6 années au Canada. Malgré une remontée plus marquée au Québec, la durée anticipée de vie en emploi à 50 ans y est moins élevée, soit 14,8 années contre 16,3 au Canada.

Depuis le début de la décennie 2000, le nombre de personnes âgées de 55 ans et plus faisant partie de la population active n'a cessé de s'accroître, dépassant même le groupe des 15-24 ans. La réalité économique actuelle force, en quelque sorte, certains travailleurs âgés à prolonger leur vie active, évitant ainsi de se retrouver dans une situation financière précaire. En fait, les considérations financières sont de plus en plus, malheureusement, une des explications du plus grand nombre de travailleurs âgés encore sur le marché du travail, mais ce n’est sûrement pas la seule.

Au moment où se vit une rareté de main d’œuvre, les employeurs ont un intérêt certain à ajuster leurs pratiques de gestion afin que les travailleurs âgés, pour ne pas dire expérimentés, choisissent de rester à leur emploi le plus longtemps possible. Dans le même sens, les travailleurs expérimentés qui sont en santé et qui possèdent la capacité de travailler peuvent faire le choix de rester actifs pour de nombreuses années encore et d’y puiser une grande satisfaction.

C’est une chose de vivre sa vie active à l’emploi d’une ou des entreprises, mais c’en est une autre d’y vieillir. Évidemment, on souhaiterait que tous les travailleurs âgés sentent qu’ils contribuent par leurs connaissances et leur longue expérience au succès de leur équipe. Or, ce n’est pas tous les milieux de travail qui font sentir aux travailleurs expérimentés qu’ils y sont toujours bienvenus.

Est-ce que le climat de travail et la synergie intergénérationnelle au sein de l’entreprise sont assez positifs pour que les travailleurs âgés souhaitent poursuivre leur relation contractuelle?

Dans la plupart des cas où les travailleurs âgés poursuivent leur engagement après l’âge admissible à la retraite, c’est que le plaisir est présent dans le milieu de travail et que les relations interpersonnelles sont stimulantes, notamment la relation avec le supérieur immédiat. Les travailleurs expérimentés feront le choix de rester sur le marché du travail si les « pour » sont plus pesants que les « contre ». Ainsi, les rapports tendus ou les relations avec des personnes sans affinité sont des sources de stress et sont donc à éviter.

De plus, les tâches et les responsabilités octroyées à ces personnes doivent être en lien avec leurs intérêts et remplies de sens. En effet, si nous nous attardons aux stades de développement professionnel, nous constatons que les besoins des travailleurs âgés sont bien différents de ceux des plus jeunes travailleurs. Au début de la carrière, les intérêts sont davantage liés aux apprentissages et à la stimulation associée aux projets ou défis à relever. Au cours du stade d’avancement, à la mi-carrière, les travailleurs souhaitent élargir leurs responsabilités. Ensuite, plus les travailleurs avancent en âge et acquièrent de l’expérience, plus leurs intérêts sont tournés vers le partage et le transfert des connaissances. Il est important de prendre en considération ces intérêts lors de l’assignation des tâches aux travailleurs plus âgés. À cet égard, pourquoi ne pas penser à jumeler ceux-ci avec les recrues qui sont en apprentissage et qui ne demandent pas mieux que de découvrir les trucs du métier? Il est aussi intéressant de confier des responsabilités spécifiques ou des projets particuliers de développement à ces travailleurs plus expérimentés, leur permettant ainsi de mettre à profit leurs connaissances et de se soustraire à la monotonie qui a pu s’installer dans la réalisation de leurs tâches régulières.

Un autre aspect à ne pas négliger est la loyauté des travailleurs âgés. En effet, pour plusieurs, ils sont restés à l’emploi du même employeur durant de nombreuses années. Ces travailleurs qui vieillissent actuellement dans les entreprises peuvent avoir de la difficulté à lâcher prise et à se retirer, vu le temps qu’ils ont investi dans la sphère professionnelle et la relation de loyauté qu’ils entretiennent avec l’entreprise. Étant donné la richesse de leur expérience et la force du nombre qu’ils ont sur le marché du travail, il est important que les entreprises s’intéressent aux moyens de les « retenir » le plus longtemps possible. En ce sens, pour arriver à répondre aux besoins des travailleurs âgés et pour que ceux-ci acceptent de vieillir dans l’entreprise, il faut mettre en place des stratégies permettant d’offrir : des milieux de travail accommodants, des mesures de réduction du temps de travail, une qualité de l’expérience de travail, des occasions de partager ses connaissances, des mesures de soutien du mieux-être, des activités de formation pour s’assurer qu’ils continuent de mettre à jour leurs compétences, une possibilité de continuer à avoir accès à certains bénéfices de l’organisation (ex. : assurance collective, avantages divers comme le remboursement du centre d’entraînement, etc.), une politique de rémunération qui permet de jumeler une part de revenu tiré du travail au revenu provenant du régime de retraite pour combler le revenu jusqu’à 100 %.

On ne peut passer sous silence la peur du retrait, tant pour la personne que pour l’entreprise. L’idée d’un retrait graduel peut être réconfortante pour le travailleur âgé qui se prépare à quitter le marché du travail et pour l’entreprise qui n’est pas prête pour la relève. Une des solutions qui peut être envisagée pour adoucir et réussir le retrait de ces travailleurs est la captation des connaissances critiques. Cette démarche qui vise à identifier les connaissances tacites et les trucs du métier permet de documenter le savoir de longue date du travailleur expérimenté pour ensuite le léguer à l’entreprise.

Bien que l’ajustement des pratiques de gestion soit un incontournable pour arriver à maintenir les travailleurs âgés le plus longtemps possible au sein des entreprises, il sera essentiel de changer quelques perceptions et croyances quant aux travailleurs âgés. Par exemple, les perceptions face à des façons de faire différentes, peut-être plus traditionnelles, mais durables et appuyées sur des fondements solides; aussi des perceptions quant à une contribution différente puisqu’elle sera moins axée sur les efforts et le nombre d’heures investies, mais plutôt sur les résultats et la richesse de l’expertise partagée avec les plus jeunes.

Pour conclure, rappelons qu’un des leviers essentiels pour retenir ces travailleurs plus âgés est sûrement de prendre le temps de discuter avec eux pour bien évaluer leurs besoins, leurs intérêts, leur situation familiale (ex. : stress lié à des proches malades), la contribution souhaitée. Pour que la relation soit gagnante pour tous, les supérieurs doivent être honnêtes et francs sur les besoins de l’organisation, développer un rapport adulte et responsabilisant avec ces travailleurs…, ce qui permet aux deux parties de poursuivre leur collaboration.